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Témoignage de Maéva Benz, tante de Déborah

Ma tante Déborah atteinte du syndrome de Cornelia de Lange a vécu la majeure partie de sa vie chez mes grands-parents qui se sont dévoués pour elle et son bonheur. Cela m'a toujours rendue admirative.

J'ai eu la chance de rejoindre leur foyer durant plusieurs années pendant mon enfance. Grandir aux côtés de ma tante m'a appris la tolérance, la patience et la bienveillance ; mais surtout que tout est relatif et que la vie est belle, encore plus, avec des sourires.
Déborah est de nature téméraire, espiègle et très futée, surtout quand il s'agit de chiper un verre, visiter un quartier, ou même de découvrir l'intérieur des nouveaux voisins. Il faut sens cesse être créatifs pour réussir à la feinter, tant sa force et sa détermination impressionne toujours autant.

Etant extrêmement expressive, communiquer est essentiel pour elle. Bien que d'une manière peu conventionnelle étant donné que Debbie (son surnom) ne parle pas, c'est sans nul doute une des personnes la plus transparente que je connaisse !

Je me rappelle qu'à l'école, plusieurs camarades s'interrogeaient face à ma tante, me disaient qu'ils avaient peur, voir ne me parlaient pas vraiment... Ma super grand-mère avait alors pris l'initiative de venir, un matin, dans ma classe avec Debbie. Avec l'accord du directeur de l'école, nous avons organisé une visite. Nous avons échangé tous ensemble sur sa différence. Alors, il n'a pas fallu longtemps pour que le charme de ma tante face effet... Nous étions rentrés à la maison tellement fières car à travers ces mimiques, l'énergie qu'elle dégage, son amour pour le monde, tous mes camarades, même les plus affolés par sa présence avaient fini dans ses bras et des “au revoir” prolongés. Hé oui, sacrée charmeuse ma tante !
Toute la classe avait beaucoup appréciée et me demandait régulièrement de ses nouvelles. C'est sans doute un de mes plus beaux souvenirs à ses côtés.

Témoignage d’Olivier, frère de Déborah Benz

Après plusieurs demandes, je prends le temps de témoigner en tant que frère d'une soeur CDLS. Se replonger dans l'enfance et ces souvenirs ciblés n'est pas chose simple.

Avant tout et en préambule, je tiens à dire, que même si le clan familial est totalement ouvert à ce témoignage, je les aime beaucoup et que j'ai une profonde admiration pour tout ce qu'ils ont vécu et oeuvré pour Déborah et son handicap.

Il est difficile de se mettre à l'exercice car même adulte la dévotion à la famille est forte et dire ouvertement ce que j'ai ressenti, enfant, semble contraire à cette dévotion, culpabilisant, accusateur, limite trahison...

Je vais donc écrire comme cela viendra et sans trop réfléchir à la forme.

Enfant nous sentons tout de suite que nous sommes des différents, pas standard avec une enfant ou soeur comme Déborah, en société comme dans la famille élargie, cela isole.

Dans la naïveté infantile nous ne comprenons pas tous ces jugements mais nous les vivons et ce que nous ressentons c'est la mise au ban de la différence et elle fait mal.

Vivre le verdict d'une telle naissance est dur, en 1972, j'imagine le désarroi et la solitude de mes parents face à cette réalité.

L'arrivée d'un enfant handicapé est un véritable syphon qui absorbe toute l'attention et l'énergie parentale, nous n'y avons pas échappé, et à cette époque, les choses étaient plus compliquées que maintenant d'un point de vue institutionnel, communication, associatif etc. Cela dit avec tout le respect dû face aux difficultés rencontrées par les parents qui le vivent actuellement et pour qui cela reste une immense épreuve de vie.

Les enfants vivent leur famille, la soutiennent, la défendent et ils y vivent ce qu'on leur y fait vivre. Ils n'ont que ce cercle comme référence. Ce qui fut aussi le cas pour moi.

Pour ma part, ce fut, par obligation, une enfance très solitaire, pas mal carencée d'attention, ou pour le moins, très limitée par ce que Déborah ne prenait pas aux parents.

Mes parents accaparés par la charge de Déborah, devaient trouver des solutions à tout le non conventionnel CDLS, subvenir à la famille et vivre, n'ont eu d'autre choix que de me mettre en internat très jeune et je passais mes vacances chez des connaissances dans le monde agricole jusqu'à l'âge de 15 ans.

J'y ai été bien traité et en ai gardé de bons souvenirs mais c'était dur, j'y ai appris l'opiniâtreté et la résignation dans le travail mais surtout je n'étais pas en famille ni avec mes copains.

Je n'aimais pas du tout les périodes internat et alpage mais m'y pliait par esprit de famille.

Je me suis donc construit mon monde, avec le bon et le moins bon, j'étais également un enfant intrépide, certainement pour attirer l'attention à moi.

Déborah est dans une famille aimante et dédiée à elle...

Mes parents se sont fait le pacte de donner la meilleure vie possible à Déborah, ce qui est louable.
Mais l'enfant que j'étais ne comprenais pas tout ça, dans cet instant de vie, il acceptait, par dévotion, ce qu'il y avait à vivre...
De mon côté, je me réjouissais de chaque progrès que faisait Debbie, marcher à 5 ans, chaque éveil, je pense même que parfois on en imaginait, tellement l'attention portée est systématique sur l'enfant handicapé.
Savoir lire les comportements de Déborah nous a permis de communiquer en bribes par ce biais avec elle, ce qui est devenu avec les années une véritable communication.
Et toujours un devoir de protection exacerbé la concernant, que nous avons de cesse d'exercer.

Préadolescent, j'étais odieux, comportement guidé par des colères et des révoltes qui étaient bien présentes et désobéissant (pardon à ma petite maman).

Ado difficilement contrôlable, révolté ++ ce fut l'émancipation précoce avec le bon...et le moins bon... toujours aussi intrépide, comme s'il fallait se mettre tout le temps en danger pour... exister.

Adulte, il a fallu faire avec ce bagage et penser certaines choses qui m'ont accompagné assez longtemps dans ma vie et mes choix.

Concernant Déborah et mes parents, la maturité faisant son chemin, la relation se change en attention, en intérêt sur le handicap, mais mes parents soucieux de ne pas vouloir faire peser aux autres le handicap de Debbie vivent cela en vase clos, ce qui m'isole et m'exclut encore...
Il faut encore quelques années avant que nous vivions vraiment tout ça de manière apaisée, évolutive, et en partage.

Il aura fallu une grande partie de nos vies respectives, vivre chacun de nous ce que nous avions à vivre par rapport à Déborah, avant que nos chemins se recroisent et que nous nous retrouvions fraternisés en famille.
Lors de conversations familiales, pour donner suite aux réactions de certaines personnes qui nous plaignent de manières directes ou indirectes, nous avons abordé la question d'imaginer la vie autrement qu'avec Deborah. Il s'avère que ce n'est pas possible tant nous nous sommes formatés à son rythme de vie, elle est notre centre.

Il est également magnifique de constater que même si c'est dur parfois, que les parents sont fatigués, que certains jours on arrêterait tout, Debbie a le don de nous ramener à la joie, de nous procurer des éclats de rires comme jamais et de nous inonder de tout son être !

C'est comme si Déborah, même si cela peut sembler paradoxal au vu de ce qui précède, était le véritable ciment de notre famille !

Bien sûr la maturité de chacun est venue pacifier nos vues, attitudes, ressentis et malgré le vieillissement de tous et ce que cela inclus, nous vivons maintenant de grands moments empreint d'amour en famille.

L'amour d'une maman est inconditionnel, celui de Déborah est vraiment unique ! Je t'aime petite soeur

Chavannes-près-Renens (Suisse), le 17 mars 2023 Olivier Benz

Témoignage de Léa Benz, tante de Déborah

Que dire de ce petit (grand) bout de femme ? Ma tante est une personne incroyable, qui m'a tellement appris … ! Depuis petite jusqu'à maintenant, elle m'a appris la compassion, l'amour, l'amour que chaque personne peut donner à sa manière !

Accompagner ma tante dans sa vie avec mes grands-parents m’a donné l'envie de me diriger dans le monde du social. De découvrir jusqu'où nous pouvons accompagner et aider à l'épanouissement de personne en situation de handicap.
Merci pour tous ces moments que nous passons ensemble et qui m'aide à devenir une meilleure personne épanouie.

Léa

 

Gerritjan Koekkoek

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